Martin Miguel
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2002 "La peinture sculptée ?" (Marcel Alocco)

Martin Miguel,
La peinture sculptée ?

Fragment d’une lettre de Marcel Alocco à Jacques Simonelli.

D’accord, il n’est pas facile de parler de la peinture de Martin Miguel. S’ajoute le fait de n’avoir de son travail qu’une vision morcelée, bien que je l’aie connu dès la fin des années 60 et regardé évoluer depuis lors. L’Ecole de Nice se distinguerait, selon ses détracteurs, par la recherche de la vitrine. Miguel, qui figure légitimement dans la salle du MAMAC qui est dédiée à cette période de création niçoise, serait plutôt escargot dans sa coquille. Il n’en sort que s’il pleut longtemps, et chez nous c’est rare. Une exposition personnelle tout les trois ans est son rythme le plus vif. Cependant, obstinément depuis au moins trente-cinq ans, il continue son parcours têtu. On imagine qu’il faudrait des pages et des pages pour réfléchir ce long chemin. Déjà, prononcer le mot « peinture », le dire « peintre », semble provocation à ceux qui connaissent les lourds bétons qu’il a maçonnés sur des structures d’abord de bâti, bois d’huisserie ou fer d’armature, puis sur des châssis construits... Travail sur les limites, en équilibre, toujours proche de choir, et avançant, comme tous ceux de notre génération qui m’ont vraiment intrigué et intéressé. Celui de Miguel ou de Viallat, Buraglio, J.-F. Dubreuil, Charvolen et quelques autres... Il persiste et il insiste : A Michel Butor qui, à raison, lui parle de la tradition des sculptures polychromes, Miguel répond : « L’intérêt du sculpteur, c’est plutôt le volume (...) tandis que moi j’utilise toujours le même volume, ou presque (...) c’est le mur qu’il faut peindre ( ... ) la peinture est dedans ". (Peindre ou sculpter, entretien entre M. Butor et M. Miguel, dans le catalogue Miguel, Espace Vallès, Saint-Martin d’Hères, 1996). « Ce que je veux travailler c’est cette sorte de surgissement coloré, un peu comme si la couleur remontait du fond des murs dans une sorte de chute inversée. " Et dans le même catalogue, Raphaël Monticelli : « Ce rêve de bâtir sans cesse inaccompli, sans cesse pousse à dire et on reste pourtant ainsi sur le seuil de dire ". Sans doute, si toi, Jacques, demeure sans voix devant cette « peinture », tu passes la parole à quelqu’un qui n’en dit guère plus, sauf à se réfugier d’exposer, comme je l’ai fait en d’autres occasions, que ses propres problèmes de peintre... Peut-être est-il parfois bon de dire aux commentateurs et aux critiques de tendre l’oreille au parler de l’acteur sur son acte. Surtout s’il est bien incité, comme ici par un écrivain qui s’est toujours laissé titiller par les arts plastiques. Et commode, pour nous, de meubler de leurs paroles notre silence : « Le thème de la porte c’est très important, dans la sculpture et dans la peinture, surtout lorsque, comme c’est votre cas, on fait des fausses portes et des fausses fenêtres. Ce qui est très beau, c’est que c’est par l’entour que vous évoquez la porte et la fenêtre ", dit Michel Butor. Encore le bord, la limite, là où la peinture pourrait être sculpture, ou au moindre faux pas (ce qui je ne sais pourquoi n’advient jamais) tomber dans le vide.
Porte symbolique. Perçue par chacun, elle n’est franchie que grâce à la clé d’une lecture acquise d’efforts persistants, de temps, de patience. Car si la banalité est facile à parler, l’importance d’une peinture en train de s’inventer se signale par ce qu’elle motive à enfanter dans la douleur des mots pour enfin la dire.
« C’est bien une porte, mais on ne peut passer », dit Michel. « J’ai intitulé ça : è pericoloso sporgesi ", répond Martin.
Martin Miguel : « Evidant ». Atelier 49, 49, rue Clément-Bel. 06220 Vallauris. Tél. 04.92.38.01.71. Du 15 novembre au 21 décembre.

Marcel Alocco (le Patriote côte d’azur (2002)

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