Martin Miguel
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1974 "Martin Miguel" (R.Monticelli)

MARTIN MIGUEL

Si Maccaferri met en jeu l’œuvre par l’espace et Charvolen l’espace par l’œuvre, si l’un comme l’autre jouent sur les rapports entre l’œuvre peinte (au minimum couleur sur un support) et ce qui n’est pas perçu comme faisant partie de l’œuvre peinte (lieu d’exposition utilisé comme élément du travail, mur, ou, d’un terme vague et ambigu, environnement), Martin Miguel, parti de préoccupations similaires (jeu de l’espace compris entre une forme en vide et sa découpe en plein, 1968) en est arrivé à traiter non l’espace tel que l’imposent à la vue des formes complémentaires éloignées l’une de l’autre, mais le volume d’une construction parallélépipédique de matériaux dont la couleur montre la matérialité et la construction (1972-1973), et vient maintenant à la présentation d’un volume qu’il déploie en empreintes systématiques ou dont il peint le développement géométrique - en rappel de l’empreinte possible - sur une surface.

Ce volume est conservé sur la surface et ce qui rappelle, par la technique, le collage l’oublie par le fait qu’il n’y a pas un élément étranger intégré à la « toile ", mais un « objet ", lui-même support de couleur, élément pictural à part entière, qui se transforme par son développement. On voit la difficulté de rendre compte d’une pratique qui aboutit à faire coexister sur un même support un volume - lieu d’une couleur - et son empreinte (ou son développement géométrique) autre lieu de couleur - qui entretiennent des rapports comme d’objet à indice, ou d’objet à icône.

Et si les parallélépipèdes de 1972-1973 pouvaient être compris à la fois comme superposition de châssis (dont ils gardaient la quadrangularité), et comme épaississement du support coloré, les volumes actuellement présentés entrent encore dans la logique de ce processus en conservant la référence au quadrilatère et en jouant de façon nouvelle sur ce rapport de volume à surface. Ce rapport s’établit par la trace que le volume laisse sur la surface = son empreinte plus ou moins iconique - plus ou moins ressemblante - selon la forme même du volume choisi. Dans ce travail, l’empreinte est au plus haut point icône de ce qui s’empreinte, à travers les transformations, jusque dans la restitution sur la surface, en pleins et vides colorés, des irrégularités, de la consistance du volume, jusque dans le développement géométrique.

C’est dire que l’on pourrait situer la pratique de M. Miguel parmi les peintures de la ressemblance, en ce sens qu’elle suppose un rapport de ressemblance entre un objet et son traitement plastique ; encore faudrait-il préciser que ce que l’on vient d’appeler objet n’en a pas le statut (si ce n’est qu’il est mis en vue) et qu’il semble davantage fonctionner comme outil d’une pratique : il n’est en effet de mise en rapport possible du volume et de son empreinte que dans la mesure où le volume a pour fonction de produire une différence chromatique sur un support (différence aussi entre volume et support). En somme, on devrait pouvoir considérer le rapport de ressemblance comme secondaire et mettre en avant le rôle de matrice, d’outil conservant un état plastique antérieur. Le pinceau aussi dépose sa trace, qui nous fait oublier le pinceau : l’important réside peut-être dans le type d’intervention choisi par le peintre pour modifier l’état d’un support.

Le problème de Miguel est à la fois celui de la forme (empreinte) qui renvoie à un « objet ", et celui de la trace qui suppose un outil, juste au point où l’outil voit son rôle et sa couleur figés par sa conservation sur le support (sa transformation en objet), et où l’objet se retrouve dans la production de formes colorées (le rappel de son rôle d’outil), le tout cristallisé dans le rapport entre forme et surface, qui rend l’outil aussi secondaire que l’objet pour mettre en avant la couleur.

Raphaël MONTICELLI NICE - Février 1974.

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