Martin Miguel
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1994 Martin Miguel "bétons désarmés" (Liliane Tibéri, la Tribune)

Martin Miguel
« Bétons désarmés »

Le travail de Martin Miguel s’inscrit dans les destinées du groupe 70 venu après Support Surfaces et dont beaucoup des participants ont été élèves de Viallat. Mais en fait, la filiation est loin d’être aussi simple car le groupe a été précédé de "INterVENTION" entre 67 et 73, traversé de l’ébullition de 1968, et fermenté dans l’interdisciplinarité des échanges et des contacts. Dire qu’ils se sont déterminés contre ce qu’ils définissaient, comme des conformismes, y compris Arman, les Nouveaux Réalistes ou Duchamp, est beaucoup trop simplificateur et ce serait oublier qu’ils se sont aussi beaucoup demandé ce qu’il restait à faire après le geste définitif du bleu de Klein ; comment aller plus loin que le monochrome ? Pour Martin Miguel, le "tableau" n’est pas un objet passif, mais il est bien un objet dans toute sa spécificité et le support, un outil actif engendrant sa signification ; l’esthétique du matériau n’absorbe pas le sens : ce qui compte est le processus de réalisation ; volonté de signifier le réel et d’y coller. Mais ces fragments éparpillés, manipulés, remaniés, ces "bétons désarmés" disent, presque malgré eux, le fond d’émotion de cette mise en ruines, la montée sensuelle des lézardes colorées et chantantes ; une oeuvre qui exprime aussi, subtilement, un rapport de temps : l’instant dans le séchage rapide du béton, puissance éphémère, et le lent cheminement émotionnel de sa couleur qui ne sèche que peu à peu en retournements successifs. Oeuvre dont la lecture peut sembler complexe, sous l’apparente simplicité ; exigence renouvelée qui communique son fantasme sous la retenue, figée" mais qui, exprime son évolution dans l’allègement, le « désarmement » du béton et l’esthétique joie de la couleur. Martin Miguel le dit superbement dans des poèmes, qui depuis longtemps, accompagnent sa secrète émotion :
... « Peintures fragiles engendrées par et pour des murs de bétons
rêves de couleurs, d’exhibitions souples
souvenirs de mémoires perdues
secrets libidineux, sacrés, lumineux
ressemblance d’objets d’images et d’images d’objets
miroirs d’outils et de modèles
ciment d’amour d’idées".

Galerie Lola Gassin, 6 rue de la Terrasse Nice, jusqu’au 6 février 1994
Liliane Tibéri

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